Extrait d’une correspondance du 8 mars 2018 entre Bassam Chaïtou, collectionneur, et Jacques Rouayroux.
JR. En 1999 Ndary a été lauréat du Grand prix du Président de la République, pour Hommage à Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh, qui est datée de 1998 dans le catalogue de l’exposition Trajectoires.
Dans quel contexte Ndary a-t-il réalisé cette oeuvre, était-ce une commande ? Est-ce que Ndary Lo a participé en 1998 à la Biennale, et si oui avec quelle oeuvre ?
BC. C’est une œuvre qui me parle celle là ! Cette œuvre « Hommage à Abdoul Aziz Sy » je l’ai acquise en 2006 au moment où elle était exposée à la Galerie Le Manège : « Les attaches Célestes » (mars-avril 2006).
A l’époque j’étais en préparation de mon catalogue d’exposition « Trajectoires », exposition qui aura lieu début 2007 au Musée de l’IFAN. J’ai acquis cette œuvre à Ndary pendant l’exposition du Manège.
Le photographe de l’époque (Serge Villain paix à son âme) qui préparait mon catalogue « Trajectoires » a pris directement la photo de l’œuvre telle qu’elle fut exposée par Ndary au Manège en avril 2006.
On reconnaît d’ailleurs en arrière plan sur la photo du catalogue « Trajectoires » les alcôves du Manège.
Par le plus grand des hasards, cette photo est finalement un témoignage de la manière dont cette œuvre a été exposée en 2006 par Ndary . Les deux arbres qui y apparaissent sont à mon avis un ajout à l’œuvre d’origine.
Je crois que c’était la première fois que ces arbres apparaissaient publiquement dans son œuvre. Plus tard l’arbre deviendra un élément central dans son inspiration et donnera notamment la « muraille verte » avec laquelle il gagnera le Prix de la biennale de 2008. Personnellement, avant 2006, je le voyais plutôt dans sa période « femmes noires ». L’arbre a constitué donc un « tournant » après 2006 et son incorporation au sein de l’œuvre « Hommage à Abdoul Aziz Sy » une première probablement. Sylvain Sankale d’ailleurs dans son texte publié dans le dépliant des « Attaches Célestes » l’avait très judicieusement souligné et remarqué !
Mais le mieux est à venir ! Si on reprend le dépliant de l’expo « Attaches Célestes » publié à l’époque par la galerie le Manège, on y voit l’œuvre en couverture telle qu’elle était je crois dans l’atelier de Ndary avant son installation au Manège (je reconnais il me semble le mur de sa cour intérieure dans la photo….) Et sur la photo du dépliant l’œuvre est présentée avec un seul arbre central ! L’idée des deux arbres est à mon avis venue spontanément à Ndary au moment d’installer l’œuvre au Manège pour des raisons de symétrie. Lorsqu’enfin il me livrera l’œuvre à la fin de l’exposition au Manège, il décida de recomposer l’œuvre avec un seul arbre central et c’est comme cela qu’elle sera installée en février 2007 lors de l’expo « Trajectoires » au Musée de l’IFAN avec sa collaboration. Une photo de cette installation à l’IFAN a été prise par Joanna Grabski quand elle visita l’exposition en 2007. Cette petite anecdote montre comment Ndary aimait réinterpréter son œuvre dans le temps….
Cette œuvre n’a pas participé à la Biennale de 98. Elle date de la période 98-99 probablement avec peut être des ajouts ultérieurs par Ndary. Elle n’a pas été primée lors de la biennale 98 (je le pensais par erreur) mais plutôt lors du Grand Prix du Président de la République pour les Arts en 1999 comme le rappelait notre cher Sylvain dans le dépliant des Attaches Célestes « Nous revoyons avec beaucoup d’émotion « Naanal rew mi », hommage au guide spirituel disparu, Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh, magnifique installation primée par le jury du grand prix du président de la république pour les arts en 1999… » Il est d’ailleurs probable qu’entre 1999 et 2006 il ait réinterprété l’œuvre à sa manière…. Je n’ai pas vu l’œuvre en 99 n’étant revenu au Sénégal qu’en 98 n’étant alors qu’aux balbutiements de ma passion pour l’art Sénégalais….
Quant à son inspiration, il faut se rappeler que Ndary a été élevé à Tivaouane (région de Thiès) par ses grands parents je crois. Il parlait peu de cette période d’ailleurs (souffrait-il d’un syndrome d’abandon des parents ?) Cette ville est la capitale sainte de la Tidjaniya l’une des confréries islamiques majeures du Sénégal et proche du soufisme. El Hadj Abdoul Aziz Sy Dabakh en a été l’un des guides majeurs avant de décéder en 1997 (il a été Khalife général pendant près de 40 ans !). Ndary était profondément croyant. Cela transparaît dans toute son œuvre et son inspiration est Tidiane par excellence. D’où probablement cet Hommage au Guide de sa confrérie décédé deux ans plus tôt. Je ne pense pas que cela ait été une commande, du moins je n’ai aucun élément dans ce sens.